Faut-il accepter les paiements en Bitcoin dans les magasin ?

Objets financiers non identifiés, les cryptomonnaies s’installent dans le paysage économique. Entre spéculation et arnaques retentissantes, la création du Bitcoin (la cryptomonnaie la plus aboutie à date) correspond pourtant à un réel besoin d’assainir la monnaie en questionnant son rôle et en redéfinissant son usage. 

Nous allons tenter d’éclairer le débat en posant une question simple sur une fonction basique de la monnaie : 

Faut-il accepter les paiements en Bitcoin dans les magasin ?


Qu’est-ce que la monnaie ? 


Aristote identifiait 3 fonctions : 

  • Une unité de compte
  • Une réserve de valeur 
  • Un intermédiaire d’échanges.

La monnaie classique est dite FIAT (du latin « qu’il soit fait »). Son usage est imposé par un état qui fixe son cours légal au moyen d’un organisme comme une banque centrale. Sa création est déléguée aux banques commerciales par le biais des crédits qu’elles accordent. Si trop de crédits sont accordés sans la création de valeurs correspondantes, il y a inflation monétaire. La valeur des biens n’augmente pas, c’est la valeur de la monnaie qui baisse. Pour freiner les crédits, il suffit de durcir les conditions et d’augmenter les taux d’intérêts. Mais il y a alors un risque de récession. Dilemme actuel de la BCE. 


La monnaie repose sur la confiance (monnaie fiduciaire) que ses utilisateurs veulent bien accorder au montant imprimé sur les billets. Les états comme les banques peuvent faire faillite, il suffit pour s’en convaincre de penser à la Grèce ou au Bank Run de la crise des subprimes.


Qu’est-ce que le Bitcoin (BTC) ? 



Lancé début janvier 2009 par Satoshi Nakamoto (un nom d’emprunt ?) le BTC repose sur la technologie Blockchain qui permet de certifier les transactions, de les enregistrer dans un registre décentralisé au moyen d’un protocole informatique crypté. Le niveau de sécurité est maximal. 


C’est une monnaie 100% numérique, aucun billet ou pièce. Même s’ils existent (ex: Binance), aucun intermédiaire n’est en pratique nécessaire pour échanger des BTC, il suffit d’avoir un portefeuille Crypto, sur une clé usb par exemple. Plus de 100 millions de personnes en possèdent déjà à travers le monde. 


Sa création est assurée par le « minage » comme pour le minerai d’un métal précieux. Concrètement, l’opération consiste à résoudre une énigme sous la forme d’une gigantesque grille ressemblant à celle d’un Sudoku. Pour y parvenir, les « mineurs » doivent disposer d’ordinateurs très puissants regroupés dans des « fermes ». Les mineurs gagnants sont récompensés par l’octroi de Bitcoins.

Environ 19 millions de BTC ont déjà été minés, 2 millions restent à trouver, ce qui sera fait en 2140 (le nombre de BTC est limité à 21 millions par construction). Cette limite constitue de fait une alternative séduisante à la politique inflationniste des banques centrales (l’objectif de la BCE est de 2%). On peut y voir sa principale raison d’être.  


Après être monté à plus de 60K€, on échange actuellement 1 BTC contre environ 16k€. Le Satoshi est la plus petite unité du BTC, comme le centime pour l’Euro. Chaque unité correspond à 0,00000001 BTC.


Points communs et divergences entre l’Euro et le Bitcoin


Ils ont en commun :

  • Ils permettent des paiements entre deux acteurs.
  • Ils constituent des réserves de valeur.
  • Ils reposent sur la confiance des utilisateurs.

Ce qui les séparent :

  • L’Euro est contrôlé par la BCE et les états des pays qualifiés. Le BTC n’est contrôlé par aucune autorité centrale, c’est le principe de la décentralisation (decentralized finance DEFI).
  • Le BTC est infalsifiable.
  • En théorie, il n’y a pas de limite au nombre d’Euros en circulation, le BTC est limité à 21 millions. 
  • L’Euro voit sa valeur s’éroder à cause de l’inflation, pas le Bitcoin. 
  • Une transaction en Bitcoin ne peut être annulée ou « rétrofacturée ».


Le BTC, un or numérique ? 



Les caractéristiques du BTC le rapprochent de l’or. 

-Ils sont tous 2 difficiles à trouver et disponibles en faible quantité. Tout l’or du monde trouvé jusqu’à présent tient dans un cube ayant un coté de 10 mètres ? 21 mètres ? 42 mètres ? 63 mètres ? *réponse à la fin de l’article


-Le lingot d’or de 1kg s’échange autour de 55k€, un cours élevé qu’a connu le BTC.

En revanche le BTC n’a pas l’inconvénient du métal précieux. Numérique, il est beaucoup plus facile à transporter ou à fractionner pour les transactions du quotidien. L’or est donc plus une valeur refuge qu’un moyen de paiement. 


Faut-il accepter les paiements en Bitcoin dans les magasins ? 



Aux USA, il est possible de régler ses achats en BTC sur internet chez Microsoft, Dell ou Expedia. En France, le centre commercial de Beaugrenelle les accepte depuis juin dernier. Il s’agit d’acheter en Bitcoin, sur le site du centre, une carte cadeau utilisable dans les magasins du centre. Ce n’est donc pas à proprement parlé un règlement direct en boutique. 


Les jeunes crypto-millionnaires attisent les convoitises du luxe. Gucci, Balenciaga ont lancé des initiatives à suivre de près, Hublot s’est associé avec la plateforme d’échanges Ledger pour commercialiser une série limitée, la Big Bang Unico Ledger. 


Au bout du compte, très peu de marques ont franchi le pas. La raison n’est pas technique, il existe des TPV prenant en charge cette monnaie. D’abord, combien de clients le demandent ? Ensuite, il y a 2 blocages de taille. 


1. La confiance 

La monnaie repose sur la confiance. Le BTC projette une lumière crue sur cette evidence oubliée. Il est une énigme pour nombre d’acteurs du commerce. Si les risques sont parfaitement connus, les avantages ne le sont pas forcément. Le récent scandale de la plateforme d’échange FTX ne peut que renforcer cette méfiance. Ce frein ne serait levé qu’en usant de pédagogie auprès des décideurs et du grand publique. Mais qui y a intérêt ?

2. La volatilité 
Le cours du BTC est tout sauf un fleuve tranquille. Une telle fluctuation fait courir des risques même à court terme. Une transaction réalisée le matin à 10h peut avoir perdu 20% de sa valeur le même jour à 18h. La couverture qu’il est possible de prendre sur les taux de changes entre monnaies, n’existe pas avec le BTC. 


L’Euro numérique, une alternative ?


Bousculées par les cryptomonnaies, les banques centrales préparent leur riposte. On entend parler d’Euro numérique. Très peu d’informations ont filtré pour le moment. S’agira t’il simplement de supprimer la monnaie physique ? De contrôler totalement la circulation de l’argent pour lutter contre les trafics ? Attendons d’en savoir plus mais une chose semble sûre, l’Euro numérique sera sensible à l’inflation comme son ancêtre en papier. 


Conclusion 


Le Bitcoin secoue le monde de la finance comme peu de chose avant lui, nous sommes devant une tentative de révolution douce concernant la monnaie et son utilité pour la société. Si la gestion des monnaies était satisfaisante pour le plus grand nombre, le BTC n’aurait sûrement jamais vu le jour. 

Il est encore jeune, il attire sûrement trop de spéculateurs voire d’arnaqueurs, auxquels il faut ajouter les revirements de personnalités telles qu’Elon Musk. Mais il est pourvu de qualités indéniables comme la protection (à terme) du pouvoir d’achat. Accepter les transactions en BTC dans les magasins est prématuré, il convient d’attendre de voir la volatilité se calmer sur le long terme et d’observer si la courbe d’adoption continue de progresser car elle sera une preuve de confiance et fera exploser la demande client. 


*Tout l’or du monde tient dans un cube de 21 mètres de côté, capable de prendre place sous l’Arc de Triomphe. (Source : World Gold Council)


Sylvain Bronzino 

Fondateur

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