Faut-il ouvrir sur les Champs-Élysées ?

Figurant dans le top 5 des artères les plus chères du monde, et bénéficiant d’un trafic annuel dépassant les 10 millions de personnes, l’avenue des Champs-Elysées est convoitée par une multitude de marques qui rêvent d’y implanter un flagship. L’offre est large, de Vuitton à Célio, du Fouquet’s à la Brioche Dorée. Lululemon vient juste de le faire, Saint Laurent se prépare. Alors, faut-il ouvrir sur les Champs-Elysées ?

AVANTAGES

Le prestige

On observe depuis peu une montée en gamme du côté impairs de l’avenue. Au 101, Louis Vuitton donne le ton depuis des lustres. Dior, Rolex, Omega, Dubail, Weston, Moncler lui ont emboîté le pas. Côté pairs, Bvlgari a rejoint Cartier, Montblanc et Guerlain etc. Une adresse sur les Champs, c’est d’abord une démonstration de puissance, un terrain idéal pour rivaliser de créativité, avec la clientèle du monde entier comme témoin. Adidas, Apple, Boss ou Nike l’ont compris depuis longtemps.

Encore faut-il avoir les ressources à la hauteur du challenge car faire moins bien que les autres est plus visible qu’ailleurs. Un emplacement trop petit limite l’expression de la marque, c’est sûrement pour cela que Lacoste s’est relocalisé au numéro 50, dans un local plus remarquable que le précédent. Pour faire face à l’engouement (autour de la collaboration avec Oméga?) Swatch est contraint d’organiser une longue queue à l’extérieur comme Louis Vuitton qui lui adoucit l’attente de ses clients en distribuant ombrelles en été et boissons chaudes en hiver, un exemple à suivre.

Une valeur refuge

Les valeurs locatives sont chahutées un peu partout par la succession de crises qui frappent l’économie et le commerce en particulier. La valeur des baux est régulièrement revue à la baisse dans les comptes. Dans ce contexte, les adresses prestigieuses conservent un meilleur niveau d’attractivité, les locaux vacants sont plus rares que dans d’autres rues commerçantes. Ainsi, céder son bail sans perte voire avec une perspective de plus value est envisageable.


INCONVÉNIENTS

La rentabilité

Avec un loyer moyen dépassant allègrement les 15k€/m2, dégager une rentabilité au niveau de l’exploitation est une gageure pour nombre de marques dont le CA/m2 moyen est inférieur à ce ratio. Négocier le loyer à la baisse est une mission quasi impossible. Le concept du magasin mobilisera des investissements très supérieurs à ceux habituellement consentis. De plus, trouver le personnel adéquat puis le conserver obligera à le surpayer, assombrissant encore les perspectives d’Ebitda positif. Mais l’aspect "outil marketing" d’un tel projet peut bien entendu lui venir en aide au moment d’évaluer sa rentabilité.

La dépendance au tourisme

La pandémie du Covid a créé un précédent que l’on ne peut ignorer au moment de se lancer dans un projet aussi gourmand en cash. Le trafic touristique est la force et donc la faiblesse de l’avenue, les parisiens étant peu nombreux à la fréquenter. Disposer d’une notoriété internationale est donc un atout majeur. Par ailleurs, certains appellent à limiter drastiquement les déplacements en avion afin de lutter contre le réchauffement climatique. Cette question ne peut pas être ignorée, surtout si on y ajoute l'inflation actuelle. 

Les projets de la mairie

Cette dernière a présenté récemment un projet d’aménagement de l’avenue. Leurs réalisations passées rend attentif quant à la prise en compte de la vitalité du commerce.

La sécurité

La présence d’une foule compacte de touristes ne pouvait qu’attirer les malveillants. Les vols à l’arraché sont un fléau dont beaucoup ont intérêt à minimiser la réalité. Un client qui vient de se faire plaisir dans une enseigne et qui se fait voler 50 mètres plus loin risque de l’associer à l’agression dont il a été victime. Il en parlera autour de lui générant un bad buzz pour l’avenue.

UNE ALTERNATIVE ?

Le métavers

Aucune avenue de Paris ou de France ne peut faire d’ombre aux Champs-Élysées. Chercher une alternative conduit à regarder du côté virtuel. Dans ce domaine, est-on à l’aube d’une révolution ? Est-ce un relais de croissance ? Une opportunité capable de faire émerger de nouveaux géants ? Un simple espace publicitaire ?
Vue parfois comme une régressive “Gamisation” de la société, la virtualisation du monde avance cependant dans tous les domaines : réseaux sociaux, jeux, Arts, monnaies, travail etc. Le métavers les concentre tous. Fort du principe que le virtuel se contrôle plus aisément que le réel, le commerce peut y voit une opportunité dans sa quête d’une expérience client maîtrisée et d’un effet Wow pour se distinguer.
Bâtir un flagship aux dimensions extravagantes devient possible sans se ruiner. Présenter des œuvres NFT (à l’instar de Gucci Vault par exemple) permet de fusionner luxe et Art et technologie dans un mélange innovant, véritable clin d'œil aux plus jeunes générations.
Cependant l’expérience la plus en pointe, celle de Meta (ex Facebook) est encore loin de toucher le grand public et ne donne pas encore le grand frisson aux early adopters. Pour le moment, le physique résiste en offrant son lot d’émotions difficiles à dépasser. Il convient donc d’observer avec attention les développements du virtuel sans abandonner le réel.

CONCLUSION

Les Champs-Élysées conservent un attrait justifié et pour le moment inégalé dans le pays y compris dans le monde numérique. Montaigne, Saint Honoré ou Place Vendôme sont très (trop?) exclusifs et les Grands Magasins ne présentent pas toujours un cadre optimal pour offrir une expérience différenciante. Un magasin sur les Champs est une pièce maîtresse d’un réseau. Toute marque ayant les velléités d’affirmer sa puissance et son savoir-faire devrait y envisager sérieusement une ouverture. À condition d’en avoir les moyens sur le long terme et de disposer d’une notoriété internationale permettant de tirer partie du trafic touristique. 

Sylvain Bronzino
Fondateur 

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