La fin des retours gratuits ?

 La fin des retours gratuits ?


Poussés par la concurrence féroce qu’ils se livrent, de nombreux e-commerçants offrent la livraison ainsi que les retours. Pour autant cette pratique considérée comme un must est actuellement remise en question par la forte inflation que nous subissons mais aussi par la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). 



« There is no free lunch »


La formule chère à Milton Friedman est plus que jamais d’actualité, aussi évacuons d’entrée la notion de gratuité car il est évident que les prestations logistiques sont payées en partie voire en totalité par les clients. Il s’agit donc plus d’une présentation marketing que d’une réalité économique.

L’explosion des coûts de l’énergie fait grimper en flèche la part de celle-ci dans le prix des biens et des transports, le phénomène est particulièrement sensible dans ceux ayant une faible valeur. Aussi en 2022, H&M et ZARA ont décidé de faire payer une partie des retours (1,95€ chez Zara par exemple).






Amazon a passé son abonnement Premium à 69,90€ (soit +42% en 1 an) en justifiant cette hausse par l’explosion de ses coûts logistiques. En 2009, ils représentaient 15,6% de son CA pour 32,3% en 2021. 



Quel est le taux de retour des colis ?


Le retour gratuit est un levier apparemment important de la motivation d’achat. Dans une étude internationale récente, il arrive en deuxième position (plébiscité par 67% des clients) derrière la livraison gratuite (93%) et devant le retour en point relais (60%). Sans surprise les clients en usent et certains en abusent. 


En France, le taux de retour moyen est de 39%, tous biens confondus, ce qui est relativement faible comparé aux habitudes des clients indiens et chinois dont les taux sont respectivement de 73% et 66%. 

Par comparaison en France, le taux de retour en boutique est d’environ 10%. Ce décalage vient du fait que le client a pu essayer, bénéficier de conseils personnalisés et constater directement la qualité du produit. Mais aussi parce que la réglementation est plus favorable sur internet.



Un impact environnemental sous-estimé 


Le retour d'un article signifie qu'il devra être réacheminé à travers le circuit d'approvisionnement, impliquant des transports et des manutentions supplémentaires qui alourdit l’empreinte carbone. Le processus nécessite souvent un reconditionnement ayant des impacts environnementaux car il est consommateur de matériaux et d'emballages supplémentaires. 


En outre, à titre d’exemple on observe chez Zalando un taux de retour d’environ 60%, certains articles (s’ils n’ont pas été abîmés) pourront donc être vendus et retournés plusieurs fois avant de faire le bonheur d’un éventuel acquéreur définitif. Pour compenser l’indisponibilité temporaire des articles en transit dans les 2 sens, les marques présentes sur cette plateforme doivent mobiliser un stock conséquent dépassant largement leur objectif de CA. Ceci implique une surproduction et une surexploitation des ressources. L’écart entre le chiffre d’affaires avant et après les retours peut suffire à questionner la pertinence du modèle économique.  



Des alternatives ?



En amont. 


Les vêtements et les chaussures étant les biens les plus retournés, les outils aidant à trouver la bonne taille et les informations sur les coupes et les matières se sont multipliés avec un succès limité pour le moment. 






L’essayage virtuel a également fait son apparition. Le client peut visualiser le rendu d’une pièce sur un mannequin qui lui ressemble avec pour objectifs de réduire les achats erronés et limiter la pratique de l’échantillonnage qui consiste à commander un même article dans plusieurs tailles ou couleurs pour ne garder que celui qui convient.


En aval.


À l’instar d’Amazon, certains proposent un abonnement annuel permettant de bénéficier des livraisons et des retours gratuits. On peut opter pour la pédagogie en imaginant un système de malus s’appliquant aux clients qui multiplient les retours. Exemple : les retours deviennent progressivement payant à partir d’un certain nombre effectués sur une période donnée. L’idée est de faire payer les usagers du service plutôt que d’en mutualiser les coûts. 


Conclusion


En attendant une éventuelle évolution à court terme de la réglementation, la sensibilisation des clients devient nécessaire. Sachant l’intérêt de ces derniers pour la démarche RSE, il est envisageable de les inclure dans le processus en communiquant sur les externalités de la pseudo gratuité des transports. 


Lorsqu’on atteint 50 voire 70% de retours, il y a forcément de la place pour davantage de responsabilité, de la part de l’ensemble des acteurs, clients inclus. Il n’est certes jamais simple de revenir sur ce qui ressemble à un acquis mais les coûts logistiques vont continuer de croître et les acteurs du e-commerce ne pourront pas réduire leur marge indéfiniment pour maintenir la gratuité des retours et à terme celle des livraisons. 


Sylvain Bronzino 









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