Fin de l’impression du ticket de caisse, est-ce une bonne idée ?
Initialement prévue le 1er janvier 2023 puis repoussée au 1er avril, la fin du ticket de caisse vient une nouvelle fois d’être décalée, à août voire septembre prochain. L’impression systématique des tickets de caisse sera alors subordonnée à la demande du client.
Le gouvernement a donc écouté les associations de consommateurs qui ne voient pas forcément cette évolution d’un bon œil, particulièrement en cette période de forte inflation.
Pourtant, selon une étude menée par OpinionWay et publiée en mars 2023, les Français seraient majoritairement favorables à la suppression du ticket imprimé, 73% pour le ticket de caisse et 69% pour le ticket de CB.
Ont-ils conscience des enjeux ? Cet article propose de les examiner.
A quoi sert le ticket de caisse ?
Le ticket de caisse n’est pas autre chose qu’une preuve d’achat, à ce titre il doit comporter les éléments suivants:
- le nom et les coordonnées de la société
- le numéro du ticket
- la date et l’heure d’achat
- la désignation et le nombre des produits vendus
- leur prix HT et TTC
- les éventuelles réductions de prix appliquées
- le montant total HT et TTC
- le ou les moyens de paiement utilisé(s)par le consommateur
La plupart du temps, il est nécessaire de le présenter pour échanger ou retourner un article. Le ticket présente la durée et les règles à respecter ainsi que les modalités de la garantie s’il y en a une. Il est donc important de le conserver, jusqu’à 2 ans en théorie. Il est par ailleurs indispensable dans le cadre des notes de frais pour justifier les dépenses.
Pourquoi supprimer l’impression ?
Inscrite dans la loi anti gaspillage et économie circulaire votée en 2020, la mesure qui peut apparaître symbolique a pour but de :
- Réduire l’utilisation de papier et d’encre, 30 milliards de tickets de caisse et de carte bancaire seraient imprimés chaque année.
- Limiter le contact de la population avec des substances potentiellement dangereuses pour la santé encore présentes sur 90 % des tickets de caisse, comme le bisphénol A.
Quels sont les tickets concernés ?
- les tickets de caisse dans les surfaces de vente et les établissements recevant du public (magasins, hôtels, restaurants etc.)
- les tickets de carte bancaire.
- les tickets émis par des automates (comme les distributeurs de billets).
- les bons d'achat et tickets promotionnels ou de réduction.
Les exceptions
- Les tickets de caisse sur lesquels est stipulée la garantie ainsi que sa durée.
- Les tickets imprimés par les instruments de pesage, par exemple des fruits et légumes.
- Les tickets d’annulation de carte bancaire, de transactions non abouties, ou en rapport avec un crédit.
- Les tickets émis par des automates dont la présentation est nécessaire pour bénéficier d'un produit ou d'un service.
Quelles sont les modalités d’envoi du ticket ?
(toutes ces options sont déjà opérationnelles dans de nombreuses enseignes)
- SMS
- Message via l'application bancaire du client
- QR code menant au e-ticket sur le web
- Enregistrement dans les historiques d’achats du client
En tout état de cause, si le client le réclame, le commerçant doit imprimer le ticket. Cependant ce dernier n’a pas l’obligation de demander au client s’il souhaite ou non un ticket, ce que beaucoup font actuellement pour commencer à habituer la clientèle.
Pour quels avantages ?
Les principaux arguments qui plaident pour la suppression du ticket de caisse sont les suivants:
- La démarche réduit la consommation de papier et évite le contact avec les substances potentiellement toxiques.
- Un ticket numérique est plus persistant qu’un document papier que l’on peut égarer ou qui devient illisible avec le temps.
- Une meilleure gestion du service après-vente qui améliore potentiellement l'expérience du client.
- Pour les commerçants, après avoir investi dans un logiciel si ce n’était pas déjà fait, le recrutement dans leur database de clients jusque-là réfractaires, pour maximiser les actions CRM.
Au prix de quels inconvénients ?
Un marketing digital envahissant
Comme évoqué plus haut, les associations de consommateurs sont réticentes, notamment au sujet de la généralisation des database clients qui pourrait engendrer une explosion des communications publicitaires et autres newsletters.
Il suffirait d’interdire toute démarche marketing associée aux tickets dématérialisés pour rassurer sur ce point. Cependant cette disposition a peu de chance d’être mise en place. En effet, sur le site economie.gouv.fr qui traite de la question, on trouve un chapitre : « Comment transformer la fin du ticket de caisse en 2023 en opportunité pour votre commerce ? » vantant les avantages du marketing digital.
Des achats plus difficiles à contrôler par le client
En cette période de forte inflation, la baisse du pouvoir d’achat est au centre des préoccupations. Un ticket papier sera toujours plus facile et rapide à contrôler en sortie de caisse que son pendant dématérialisé.
Comment s’assurer sur le moment qu’il n’y a pas eu d’erreurs (involontaires ou pas) de la part du commerçant ? Combien iront après coup vérifier leur ticket sur internet ?
Si le gouvernement a par 2 fois reculé la mise en œuvre de cette mesure, c’est que l’argument n’est pas sans fondement et que la suppression du ticket papier n’est pas si anodine.
Une décision moins écologique qu’il n’y parait
D’après Green IT, un collectif d’experts de la sobriété numérique, un ticket dématérialisé réduirait de 2 centilitres la consommation d’eau comparé à un ticket en papier mais rejetterait 2 grammes de CO2 de plus dans l’atmosphère. Selon l’Ademe, l’envoi d’un ticket de caisse rejèterait entre 3,8g et 19g de CO2 selon la mise en page choisie. Multipliés par 30 milliards…
Le traçage de tous les achats
Sans en être l’objectif officiel, la fin du ticket papier poursuit le vaste mouvement de numérisation de l’économie. Tout achat deviendra traçable, y compris en espèces, moyen de paiement déjà en sursis avec l’Euro numérique dont on parle déjà beaucoup. La fin de l’anonymat, l’utilisation des données personnelles à des fins commerciales, les abus déjà constatés sur internet ont toutes les chances d’envahir l’intégralité du commerce physique.
On peut également questionner cette habitude prise par les gouvernements de s’immiscer dans toujours plus d’aspects de la vie économique du pays pour des résultats parfois éloignés de ceux visés. Bien plus modeste que les lois EGalim et Descrozaille, ce texte participe cependant de cette inflation réglementaire qu’il serait peut-être bon de freiner.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Après la dématérialisation du ticket de caisse, d’autres évolutions technologiques sont déjà prêtes à être généralisées.
Nombreux sont les magasins alimentaires qui proposent déjà aux clients de procéder à leur propre encaissement, tout au long de leur parcours en magasin avec un scanner ou en sortie.
Plus aboutis, les magasins Amazon Go et leur technologie « Just Walk Out » n’ont aucune caisse. Le procédé fonctionne avec l’application mobile Amazon Go, associée à un compte Amazon. Il suffit d'ouvrir l'application sur son smartphone, de scanner un QR code commandant l’ouverture des portes, l’encaissement étant réalisé automatiquement. Cette technologie, maintenant ouverte à d’autres utilisateurs qu’Amazon, repose sur la vision par ordinateur et des capteurs qui traquent les produits pris par les clients. Même si Amazon vient juste d’annoncer la fermeture de 8 de ces magasins aux USA, le format n’est pas abandonné pour autant.
Plus de queue à la caisse, plus d’encaissement, plus de ticket, tout est fait pour rendre le processus d’achat le plus fluide et agréable possible. Faire ses courses devient une promenade, jusqu’à en faire oublier que l’on dépense de l’argent, qui n’aura plus qu’une existence virtuelle.
Sylvain Bronzino
Commentaires
Enregistrer un commentaire