Mode : Comment maintenir la tension entre désirabilité et accessibilité ?

Rechercher le summum de la désirabilité tout en préservant un niveau adéquat d'accessibilité représente un défi majeur dans le domaine de la mode et du luxe.

Un bref détour par la philosophie peut éclairer les stratégies employées par les marques pour relever ce défi.

1. De la souffrance à l'ennui

Dans son essai « Le Monde comme Volonté et comme Représentation », Arthur Schopenhauer soutient que le désir génère un manque, qui est une souffrance incitant à le satisfaire. 

Une fois satisfait, le désir cède la place à l'ennui, devenant le point de départ d'un nouveau désir, car l'ennui est une souffrance pire que le manque.

2. La stratégie du Luxe.

Entre désirabilité et accessibilité, les maisons de luxe introduisent l'exclusivité, par la rareté, une distribution ultra sélective, des prix élevés, etc. Autant d’obstacles au désir, accroissant le manque et la notion de rêve qui l’entoure. 

Cependant, les marques de luxe doivent veiller à maintenir leur exclusivité sans paraître trop élitistes ou arrogantes. 

L'exclusivité peut être menacée par la contrefaçon et les « dupes », qui réduisent la perception de rareté et de qualité des produits authentiques.

Trouver un équilibre entre traditions et l'adoption d'éléments modernes pour rester pertinentes est toujours un exercice délicat pour les maisons de luxe. 

3. La stratégie de la fast fashion.

À l'inverse, la fast fashion mise sur l'hyper-accessibilité, qui facilite la satisfaction éphémère du désir et qui accélère le retour du manque dans un cercle vicieux addictif. Cette stratégie impose de proposer des nouveaux modèles tous les jours ! 

Le modèle répond également à la question de la baisse du pouvoir d'achat, mais ses limites sont bien connues : surconsommation, gaspillage, épuisement des ressources, impacts sociaux négatifs, etc.

4. La stratégie du Premium.

La position Premium, en milieu de gamme, peut sembler équilibrée voire vertueuse. Cependant, maintenir l’équilibre est une tâche délicates, chaque pas de côté risquant de le faire perdre.

Les critiques les plus courantes à leur encontre incluent une qualité en baisse, des prix en hausse, et un style peinant à justifier cet écart grandissant. 

Elles résument parfaitement le numéro d'équilibriste auquel les marques Premium doivent se livrer.

Conclusion

La vision plutôt pessimiste de Schopenhauer sur la vie souligne néanmoins l'importance du désir comme moyen d'échapper à l'ennui.  On peut aussi y voir l’un des moteurs de la société de consommation et des stratégies du marché. 

Le philosophe estime également que le Bonheur réside entre la naissance du désir et sa satisfaction, avec une durée ni trop longue ni trop courte entre les deux. Une sagesse inspirante, pour la mode, le luxe… et pour les consommateurs. 

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Sylvain Bronzino