Gucci au creux de la vague : entre stratégie de renouveau et retournement de tendance.


L'année 2023 a marqué un tournant délicat pour Gucci, avec un chiffre d'affaires en baisse de 2%, atteignant 9,9 milliards d'euros (en données comparables). Cette tendance défavorable s'est accentuée au premier trimestre de 2024, où Kering, la maison mère, a annoncé une baisse de 20%.


Avant de plonger dans le cas de Gucci, une compréhension des mécanismes régissant le secteur du luxe peut-être utile. 


Le marché du luxe se distingue par une très faible fréquence d'entrées, les maisons établies ayant souvent des histoires s'étendant sur des décennies, voire des siècles. L'excellence et la persévérance sont cruciales pour y pénétrer. Pour Jacquemus ou Coperni, la route ne fait que commencer. 


Une fois cette barrière franchie, le maintien sur le marché s'avère plus abordable. Bien que les sorties soient rares, permettant à certaines marques de renaître après une période d'oubli, les réajustements au sein de la hiérarchie du secteur sont fréquents.


Le luxe se caractérise ainsi par une alternance au sommet de la désirabilité. Toutes les maisons ne peuvent briller simultanément. Ce cycle qui donne l’impression dêtre orchestré par le secteur lui-même, est le résultat de divers facteurs, incluant l'innovation artistique, le marketing, les réussites et échecs stratégiques, et la quête constante de nouveauté par les consommateurs.


Gucci s'inscrit clairement dans cette dynamique. Sous la direction créative d'Alessandro Michele, de 2015 à 2022, Gucci a connu une croissance spectaculaire, avec un chiffre d'affaires passant de 3,8 à 10,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 275%. En comparaison, le commerce global des biens de luxe personnels a augmenté de 44% sur la même période, selon Statista.


Cette performance pourrait suffire à expliquer pourquoi Valentino a récemment sollicité les services d’Alessandro Michele.


Gucci entame à présent une phase de consolidation délicate. L'audace de sa direction stylistique précédente, bien que fructueuse, a quelque peu brouillé son image et dilué son ADN. L'arrivée de Sabato De Sarno, précédemment directeur de la mode chez Valentino (chassé croisé intéressant) marque un tournant vers un style plus sobre et une stratégie commerciale plus durable.


Opérer ce renouveau durant l’actuel ralentissement du marché du luxe, représente un défi considérable, car il est difficile de distinguer les effets de la nouvelle stratégie des facteurs externes.


Les mois à venir révéleront l'efficacité de l'approche de Gucci. Pour l'instant, elle semble évoluer trop discrètement, sous le radar, contrastant avec la démarche de Louis Vuitton, qui, en recrutant Pharrell Williams, a immédiatement créé un remarquable écho auprès de sa clientèle.


Cet exemple, ainsi que les leçons qui en découlent, seront probablement sources d'inspiration pour d'autres maisons confrontées à des défis similaires, en particulier au sein du groupe Kering.

Sylvain Bronzino  

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