Luxe, à quelle génération s’adresser ?
Les chiffres d’affaires du secteur du luxe au premier semestre confirment le ralentissement déjà observé l’année dernière, sur fond d’incertitudes économiques et géopolitiques, et montrent de grandes disparités entre les maisons.
Trois exemples illustrent parfaitement la situation :
- Le chiffre d'affaires d'Hermès progresse de 12 % (et même 15 % à taux constants).
- LVMH est quasi stable avec une légère hausse de 2 %.
- Kering enregistre une baisse de 11 %.
Plusieurs facteurs distinguent ces trois entités, notamment leur cible générationnelle, qui peut significativement impacter le chiffre d’affaires en période de contraction économique. En effet, plus la clientèle ciblée est jeune, plus elle réduit ses dépenses en cas de crise, car son niveau de vie est davantage contraint par des dépenses obligatoires.
1. Le niveau de vie suit la courbe des âges
Voici le niveau de vie médian par tranche d’âge, constaté par l’INSEE en 2022 :
- 18-29 ans : 23,6k€
- 30-39 ans : 25,1k€
- 40-49 ans : 25,4k€
- 50-64 ans : 27,2k€
- 65-74 ans : 24,6k€
- +75 ans : 23,2k€
Aussi, miser entièrement sur la génération Z semble prématuré, d’autant plus que, hormis en Afrique, les populations sont en décroissance et vieillissantes, y compris en Chine où la population a entamé une décroissance vertigineuse.
Partout dans le monde, les courbes des salaires et des dépenses se superposent. Ignorer cette réalité peut entraîner des déconvenues, comme celles que Gucci connaît et qu’Hermès semble avoir évitées.
Les particularités générationnelles, souvent mises en avant, masquent les conditions socio-économiques, les préférences individuelles liées à l’âge, ainsi que les particularités culturelles et géographiques.
Ceci explique les grandes disparités de comportement observées au sein des générations comme la génération Z, qui par exemple, serait la plus sensible au développement durable tout en assurant le succès fulgurant de la fast fashion.
2. La génération : plus un concept marketing qu’une réalité scientifique
Par exemple, lorsqu’on parle de la génération Y / Millenials / Digital Natives, il est difficile de définir précisément leurs dates de naissance.
Dans leur livre "Generations" paru en 1991, où le terme "Millennial" apparaît pour la première fois, William Strauss et Neil Howe parlent des personnes nées entre 1981 et 1996.
Selon la Harvard Business Review, ils seraient nés entre 1984 et 1996. Selon Statistique Canada, la génération Y s’étendrait de 1972 à 1992. Pour l’APEC, entre 1989 et 1999, etc.
Ainsi, le concept de génération, loin d’être performatif, est une segmentation imparfaite dont les fluctuations temporelles révèlent la faiblesse.
En conclusion, il est essentiel pour les marques de luxe de prendre en compte, un peu moins les spécificités générationnelles qui restent théoriques, et davantage les réalités économiques et sociales concrètes, afin de cibler efficacement leur clientèle et d’assurer une croissance durable.
Sylvain Bronzino
Commentaires
Enregistrer un commentaire