Luxe : Vers une réduction de la dépendance au marché chinois ?

L'intégration de la Chine dans l'OMC en 2001 a constitué un tournant décisif pour l'industrie du luxe. Les marques ont trouvé en Chine un vaste marché à conquérir.

Tandis que la demande dans les marchés occidentaux stagnait, une multitude de centres commerciaux regorgeant de boutiques de luxe ont vu le jour à travers tout le pays. la Chine est ainsi devenue le principal levier de croissance pour les maisons de luxe, générant aujourd’hui autour de 30% de leur chiffre d’affaires.

Cependant, après deux décennies de croissance, un retournement de tendance est observable. La majorité des grandes marques de luxe subissent une baisse significative de leurs ventes en Chine. 

Cet été, la chute des ventes a atteint jusqu’à -50% pour certaines marques. Les horlogers suisses, qui enregistrent une baisse de plus de 20%, appellent leur gouvernement à leur venir en aide !

Ces décroissances s'expliquent en partie par un changement profond dans les habitudes de consommation influencées par les réseaux sociaux. Autrefois, l'étalage ostentatoire de richesse, ou « wealth flaunting », était courant, notamment parmi les jeunes générations, influencées par des Key Opinion Leaders qui exhibaient fièrement leurs achats sur des plateformes comme Weibo ou Douyin. 

Toutefois, cette tendance entre en contradiction avec les valeurs promues par le gouvernement chinois, qui encourage désormais la modestie et la discrétion, en ligne avec sa politique de « Prospérité Commune ».

Cette réorientation est illustrée par des mesures concrètes prises contre certains influenceurs. Par exemple, Xinba, star des réseaux sociaux avec 265 millions de followers sur Kuaishou et qui avait généré 254 millions d'euros de chiffre d’affaires lors d'un live shopping en 2021, a vu son compte suspendu.

D'autres facteurs, économiques, s’y ajouter. Bien que la croissance économique chinoise reste positive, elle ralentit : le Fonds Monétaire International (FMI) anticipe une progression de 5 % en 2024, de 4,5% en 2025, et « seulement » de 3% dans les années suivantes. 

Le secteur immobilier est la principale source d’inquiétude. Le géant de l'immobilier Evergrande, récemment placé en liquidation avec une dette colossale de 330 milliards de dollars, est un signe avant-coureur de difficultés plus larges qui pourraient toucher beaucoup d’autres promoteurs immobiliers.

Par ailleurs, le vieillissement rapide de la population chinoise et son déclin démographique amorcé il y a deux ans (le taux de fécondité par femme était de 1,16) impactent la structure démographique du pays ainsi que la consommation, du luxe comme le reste. 

Finalement, la baisse du marché chinois, bien que subie, peut finalement être une opportunité pour le luxe. Ce retour à une consommation moins ostentatoire, redonne au luxe sa véritable essence, faite d’excellence et de raffinement, tout en faisant reposer la croissance du marché du luxe, sur des bases plus pérennes.

Sylvain Bronzino