Paris gagne, la province trinque : analyse d’un retail à deux vitesses


Le rapport Newmark 2025 le confirme : le paysage commercial français se fracture. Si Paris continue d’attirer les marques, le reste du pays voit disparaître ses enseignes historiques, ses vitrines de centre-ville et son commerce de proximité.


Depuis le début de l’année, 21 enseignes sont entrées en procédure judiciaire. Parmi elles, des noms bien connus : Jennyfer, Casa, Gifi… Le prêt-à-porter est particulièrement touché, avec un taux de liquidation supérieur à 50 %.


Derrière ces chiffres, une réalité économique préoccupante :


  • Modèles dépassés, 
  • Déclin démographique dans certaines zones,
  • Concurrence agressive de la fast fashion et du e-commerce,
  • Pouvoir d’achat en recul,
  • Loyers en hausse, souvent déconnectés de la performance commerciale,
  • Métiers du commerce qui peinent à recruter,
  • Banques frileuses face aux nouveaux projets,
  • Déclin des centres-villes, désaffection pour certaines zones commerciales périphériques.


Des signaux faibles


Le rapport note malgré tout une recomposition progressive du tissu commercial. Certains secteurs affichent une dynamique positive, portée notamment par des modèles en franchise ou affiliation (comme en témoignent les tendances du Salon de la Franchise) :


  • Restauration rapide,
  • Alimentation spécialisée,
  • Animaleries,
  • Magasins de sport
  • Enseignes discount (Action, Normal…).


Mais ces hausses ne suffisent pas encore à compenser la vague de fermetures dans la mode et l’équipement de la maison.


Pendant ce temps, à Paris…


L’ambiance est tout autre dans la capitale. 91 marques étrangères se sont implantées en France en 2023, et la tendance reste soutenue en 2024-2025. 77 % de ces implantations ont lieu à Paris.


Parmi elles : Aimé Leon Dore (USA), Represent (UK), Lululemon (Canada), On Running (Suisse), Axel Arigato (Suède)… Des marques premium ou streetwear qui s’adressent à une clientèle urbaine, connectée, à fort pouvoir d’achat.


Pourquoi Paris continue-t-elle d’attirer ?


  • Parce qu’elle reste une vitrine mondiale incontournable,
  • Parce que ses loyers, élevés, restent (encore) inférieurs à ceux de Londres, New York ou Milan,
  • Parce que l’effet JO a entretenu l’espoir d’un afflux touristique,
  • Parce que les défaillances françaises libèrent des emplacements stratégiques.


Cela dit, il faut souligner que ces ouvertures sont concentrées dans 3 zones précises : Le Marais, le Triangle d’Or, les Halles. Le reste de la ville, y compris certains arrondissements commerçants, n’en bénéficie pas.


Un miroir de la société française


Le paysage commercial n’est que le reflet d’un pays en tension. D’un côté, les bénéfices — limités — de l’internationalisation. De l’autre, les pertes sociales, économiques et symboliques d’un tissu local fragilisé.


Pour autant, la province n’est pas condamnée. Mes nombreux déplacements dans des villes moyennes, autour de 50 000 habitants, révèlent une autre réalité : celle d’entrepreneurs engagés, compétents, qui innovent et s’adaptent. L’affiliation, en particulier, leur offre des perspectives viables sans renier leur ancrage local.


La nature a horreur du vide — le commerce aussi. Gageons que ces espaces laissés vacants ne le resteront pas éternellement.


Sylvain Bronzino  

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